LES ŒUFS DE LA DISCORDE

Ah Pâques ! Quelle époque agréable de l'année qui nous permet d'assister à la renaissance de la Nature, à admirer dans les vitrines les décorations de lapins, poissons, poules, poussins, et à ressortir nos paniers en osier pour la cueillette d'œufs en chocolat.

Étonnamment, ce sujet inoffensif et anodin des chocolats de Pâques a été, lors du conseil municipal du 31 mars dernier, au centre d'un débat plutôt surprenant.

À la délibération 21, la Ville de Biarritz indique vouloir «se rapprocher d’un sponsor fabricant de chocolat, pour la fourniture gratuite des œufs, et de matériel associé, en échange d’une visibilité pour la marque sponsor à l’occasion de cet événement. (NDLR : Pâques 2025)».

L'élu d'opposition Sébastien Carrère a souhaité faire part à l'assemblée de sa surprise à cette délibération qui semblait ne pas être de la plus grande limpidité : «Je ne savais pas que la chasse aux œufs était une sorte de sport puisqu'on comprend que l'on trouve des sponsors comme dans les compétitions sportives. (...) Plus sérieusement, je n'arrive pas à me faire une idée très claire. Quelque chose me gêne dans cette délibération.»

Et oui, cela n'est pas faux... Si même Pâques devient, grâce à la volonté d'une municipalité, un enjeu publicitaire : mais où allons-nous ?

Et puis l'élu Carrère de poursuivre : «Déjà, est-ce que l'on a besoin de ça ? Est-ce qu'on ne peut pas quand même payer ces œufs et ces lapins en chocolat, sans passer par du sponsorisé ? Je ne remets pas du tout en question la qualité des produits de la Maison Puyodebat...»

Certes, le chocolatier camboard qui a été choisi n'est absolument pas le sujet de la question. L'objet du débat se situe ailleurs, sur deux points : le principe du sponsoring et un appel d'offres inexistant.

Monsieur Carrère justifie donc son opinion : «(...) Sur la rédaction de la délibération il y a quelque chose qui me pose problème puisque, je vous cite («après analyse des propositions, la SARL Puyodebat a été retenue au regard de la qualité de son offre - on ne revient pas dessus évidemment -, de son engagement dans les partenariats locaux») donc ça sonne un peu comme un remerciement, voyez ?».

Sébastien Carrère voit ce «partenariat» comme une sorte de retour d'ascenseur ou retour d'investissement envers un commerçant, ce qui peut paraître maladroit ou malvenu vis-à-vis des autres professionnels du chocolat à Biarritz et dont nous nous faisons un devoir de citer ici tous les noms : Adam, Thierry Bamas, Daranatz, Didier Gaborit, Garrigue, Henriet, Miremont, Monsieur Txokola, Nous, et enfin Pariès.

Face à cette réaction, l'adjoint au Commerce Fabrice-Sébastien Bach - directeur de clinique à Cambo - semble d'abord gêné aux entournures du fait qu'un élu de l'opposition ait pu soulever cette question. Puis, fouillant dans ses papiers, il sort un discours pré-écrit dont le contenu semble tomber comme mars en carême au cours de cette délibération sur les œufs en chocolat.

Maintenant sur sa lancée, monsieur Bach décrit alors une Opposition qui émet des «critiques» envers la majorité qu'elle accuserait de «n'avoir rien fait ou trop peu». 

Et l'élu au Commerce de vanter une ville qui a «créé autant de projets» dans les domaines «économique, (...), culturel et commercial, (...) sportif, d'éducation, d'animation, sociale (...)».

Il achève son laïus : «Et puisqu'on n'est jamais mieux servi que par soi-même, je terminerai en remerciant très chaleureusement mes collègues, tous autour de la table, pour ce formidable travail accompli pendant ces cinq dernières années et je pense qu'on peut être fiers, tous, de ce mandat.». Sic !

Euh, qu'est-ce que cela a à voir avec une délibération sur des chocolats ?

L’élu Bach ayant terminé son autosatisfecit, sa collègue d'opposition Corine Martineau pose aimablement une question : «De quel projet vous parlez ?».

Assise à côté de monsieur Bach,  l'adjointe madame Cascino jette un regard haineux en direction de madame Martineau avec, en prime, un soufflement méprisant de la bouche. Très chic ! Et très respectueux ! Vraiment, le débat et surtout les Biarrots méritent mieux que ces grimaces.

Voyant que cette délibération qu'elle croyait banale sur les œufs de Pâques tourne au vilain, madame Arosteguy intervient : «Excusez-moi, c'est encore le maire qui distribue la parole, madame Martineau».

Tiens, elle parle d'elle-même à la troisième personne maintenant. Tout va bien.

L'élu Carrère, un brin narquois : «Bon, je vois que les œufs en chocolat c'est vraiment important, c'est sensible. Je ne savais pas, cher collègue. Il n'y avait pas de «critique» ; à quel moment j'ai critiqué ce partenariat ? Je me pose des questions auxquelles vous n'apportez pas de réponse et je mets en avant une fragilité, une maladresse peut-être dans la rédaction de la délibération. Mais, rassurez-vous, je vais survivre. Et puis, par rapport aux critiques, et bien c'était au moment de la délibération sur le budget qu'il fallait répondre. Pourquoi vous attendez les œufs de Pâques pour nous répondre sur des critiques, où là, pour le coup, oui il y a eu des critiques ? Mais là je ne comprends pas, je ne vois pas le lien.».

Pour le coup, cela traduit une vulnérabilité, une fébrilité dans la majorité qui ne questionne plus seulement Sébastien Carrère.

D'ailleurs, l'élu Barucq prendra la suite pour suggérer «qu'un appel d'offres, plutôt qu'un partenariat de ce type» aurait dû être privilégié pour ménager des «susceptibilités» entre concurrents chocolatiers, et dénoncera «un type de procédé un peu limite».

Certes, le procédé manque de transparence.

Faute de réponse à sa question initiale, madame Martineau intervient timidement à nouveau : «J'aimerais que Fabrice Bach me dise quel projet.».

Mais madame Arosteguy, percevant probablement que la question posée ne dispose en réalité d'aucune réponse véritable et que le trouble provoqué peut se retourner contre elle, lui répond : «Non, Fabrice Bach ne va pas vous dire quel projet. On est sur la délibération sur les œufs de Pâques.».

Madame Martineau réplique aussitôt : «Quand même c'est important... Visiblement, c'est des projets qui existaient déjà, je vous signale.».

Madame Arosteguy réagit : «Ce n'est pas l'objet de la délibération.».

Curieuse remarque de la part de la maire qui a laissé son adjoint au Commerce délivrer un long discours écrit à l'avance et dont la teneur n'avait strictement rien à voir avec les œufs de Pâques. 

Ah oui, c'est vrai, monsieur Bach était laudateur envers sa majorité ; or les occasions d'entendre des compliments sont si rares pour la maire et les siens ! 

Et puis monsieur Bach a la reconnaissance du ventre : madame Arosteguy venait tout juste de lui accorder une place au comité de direction de l'office du tourisme, voilà pourquoi il a composé une ode à l'intention de la maire. C'est mignon tout plein.

Et voilà aussi pourquoi Corine Martineau ne connaîtra jamais de réponse à son innocente question...

Selon que vous serez puissant ou misérable, les jugements de cour vous rendront blanc ou noir.

Selon que vous serez dans la majorité ou dans l'opposition, le jugement de la maire vous permettra de questionner ou non.

Lors du récent week-end bayonnais de la Foire au Jambon, certains ont pu prendre les Biarrots pour des jambons ; mais à l'approche de Pâques, ne prendraient-ils pas les Biarrots pour des lapins de six semaines ?

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