L'IGNORANCE ASSUMÉE, PRESQUE REVENDIQUÉE
Savez-vous que Saint Ignace de Loyola était Basque ?
Vous ne pouvez ignorer que le xare, la pala, le chistera, sont tous des instruments de la pelote basque ?
Vous revient-il qu'à Biarritz, il y a fort longtemps, la pêche à la baleine procurait prospérité à nos aïeux biarrots ?
Sans vous mettre à l'épreuve, ce qui précède nous permet de convenir que nous avons des connaissances communes, un socle commun, ce que d'aucuns nommeraient une culture générale acquise.
Alors, bien sûr, dans cette même suite d'idées, les dates de la mort de Charlemagne, de la bataille de Marignan et de la signature de l'édit de Nantes, sont inscrites de manière indélébile dans nos cerveaux, enfin... pas pour tous.
Vous vous rappelez de l'affaire de l'impératrice Eugénie, dont la personnalité n'aurait été «découverte» (voir Sud-Ouest du 17/01/2025) par la maire de Biarritz qu'à l'occasion de l'exposition qui lui fut consacrée en 2020, au Musée Historique de Biarritz. Comment est-ce possible de la part d'une Biarrote, d'une élue de la République, d'une femme d'âge mûr ? Cela dépasse l'entendement. Face à cela, l'on peut s'interroger s'il ne faudrait pas que les candidats passent un test de connaissances générales avant de solliciter la confiance des citoyens. Car se rendre compte, après l'élection, d'une éducation lacunaire, c'est trop tard et les Biarrots en font les frais.
Étant l'objet de ricanements sous cape - dans les foyers biarrots - suite à cette piteuse déclaration sur sa «découverte» d'Eugénie, on aurait pu imaginer que madame Arosteguy ne reproduirait plus cette bévue et tairait, à l'avenir, sa méconnaissance sur certains sujets, en particulier historiques...
Et pourtant, non.
À la toute fin de la réunion publique d'information tenue suite aux recherches effectuées sur la toponymie du quartier de la Négresse, madame Arosteguy reprit le micro à l'archiviste et à l'avocat pour faire découvrir, aux ignares qu'elle nous juge tous d'être, un fait historique lié à notre ville : «Juste une toute petite anecdote que je voudrais partager avec vous... Je voudrais que ce soit Jean-Loup qui vous la raconte parce que moi c'est quelque chose que je ne connaissais pas du tout, que j'ai découvert grâce à lui. C'est à la fin de la Première Guerre mondiale la présence de 26.000 soldats américains qui sont venus se reposer à Biarritz et se soigner. Ils ont passé deux à trois mois à Biarritz. Ils ont réquisitionné l'ensemble des hôtels.».
Comment peut-elle ignorer cela ? La surprise est complète.
Car, si à Biarritz l'on ne ressentait guère aux confins de nos rochers les effets de la guerre, la dure réalité s'est, au cours du conflit, imposée à tous.
![]() |
Des soldats français sur la terrasse - aujourd'hui disparue - du casino Bellevue. Pour occuper leurs journées, ils tricotent des écharpes en laine pour leurs camarades restés au front. |
![]() |
Même à Biarritz, nos soldats français font grise mine. |
Les gigantesques hôtels du Régina (375 lits), d'Angleterre (225 lits), Victoria (150 lits), mais aussi de plus petits hôtels, des pensions de famille, le casino Bellevue, le casino Municipal, le Couvent des Dominicains, des villas de particuliers, seront pris d'assaut pour accueillir - parfois avec les moyens du bord - des blessés du front.
![]() |
Des soldats français blessés qui se reposent à Biarritz. |
![]() |
Des mutilés de la Grande Guerre dans la cour de l'Hôtel du Palais. |
Une grande solidarité s'opérera dans la communauté biarrote pour venir en aide à ces malheureux. Rappelons-nous, qu'en ce temps, notre Biarritz était particulièrement cosmopolite et que des groupes de nationalités s'étaient formés : britanniques, espagnols, russes. Tous s'organisent pour héberger, soigner, nourrir et apaiser nos vaillants combattants.
![]() |
Des soldats français à la Côte des Basques, en arrière-plan la Villa Belza. |
![]() |
Une halte bienfaitrice, juste avant le tunnel du rocher de la vierge. |
La Première Guerre mondiale touchera, en son cœur, Biarritz, comme tant d'autres villes et villages de France.
![]() |
L'inauguration du Monument aux Morts par le maire de Biarritz Joseph Petit (1919-1929). |
Chaque monument aux morts est là pour nous rappeler le nom de ceux qui ont versé leur sang pour que d'autres vivent libres. Par centaines, des Biarrots trouveront la mort sur le champ de bataille, sans compter les blessés et les mutilés. Des fratries entières se sont trouvées décimées, plongeant la population dans la torpeur.
![]() |
Des officiers en convalescence se reposent à la Grande-Plage en compagnie de Biarrotes. |
![]() |
Des officiers américains et britanniques sur le promenoir de la Grande-Plage. |
![]() |
Des Français - civils et militaires - accueillent, au goûter, des officiers américains. |
Puis, en mars 1918, arrivent à Biarritz les soldats américains, ceux qui étaient venus combattre en terre européenne au nombre de presque cinq millions.
Ayons une pensée pour ces 116.000 soldats qui ne reverront plus leur patrie et les quelque 200.000 qui seront blessés.
Après les sympathiques pioupious, les Biarrots découvrent ces visages nouveaux - les «Sammies» - venus en convalescence dans l'attente de leur rapatriement outre-Atlantique.
![]() |
L'Hôtel Le Régina, sous gestion de l'American Red Cross, est le lieu de repos des officiers américains en convalescence. |
Nous estimons à plus de 20.000 soldats qui s'y succéderont pendant plusieurs mois. La généreuse solde qu'ils perçoivent alors, donne libre cours à leurs envies dépensières. Et les tentations sont nombreuses en notre ville !
![]() |
Château Boulart. |
Nous voyons sur ces photographies le Château Boulart qui, à cette époque, appartenait à l'Américain Rodney Wanamaker - propriétaire des «department stores» Wanamaker's, aujourd’hui Macy's - et qui en avait prêté l'usage à l'American Red Cross.
![]() |
Les réfugiés accueillis au Château Boulart, demeure de l'Américain Rodman Wanamaker. |
La Croix Rouge Américaine y accueille femmes et enfants réfugiés, victimes d'une guerre sans fin qui se déroule en France.
Cette page de l'histoire locale, qui s'entremêle à celle de notre grande histoire mondiale, est bien évidemment connue de beaucoup de Biarrots comme celle de la Deuxième Guerre mondiale , quand le Pays Basque subira l'Occupation par les Allemands et la Libération par les Américains. La présence américaine à Biarritz aura, à nouveau, un grand impact sur la population, et ces 10.000 soldats - venus étudier à l'éphémère «Biarritz American University» sous l'autorité du General Samuel McCroskey - garderont un souvenir mémorable de notre cité balnéaire, certains d'entre eux choisissant même de s'établir définitivement au Pays Basque.
Alors, des questions surgissent : comment la maire de Biarritz peut-elle ignorer l'histoire de la ville qu'elle est censée représenter ? Comment peut-elle exclure de son éducation cet épisode américain de la fin de la Première Guerre mondiale ? Quelle image la maire de Biarritz renvoie-t-elle de notre ville ?
Encore des questions qui resteront sans réponse.
Être maire c'est avoir une vision pour sa Ville, être maire c'est connaître l'histoire de sa municipalité, être maire c'est regarder dans le rétroviseur pour mieux se propulser dans l'avenir. Voici ce que le prochain maire de Biarritz devra incarner pour être digne de ses fonctions.