ZFE : L'INVRAISEMBLABLE CHASSE AUX PAUVRES
«Ils n'ont pas de pain ? Qu'ils mangent de la brioche ?»
«Leurs véhicules sont trop anciens ? Qu'ils achètent une Rolls.»
La première phrase indispose, met en colère ou révolte. Mais c'était avant, bien avant. Du temps où la reine Marie-Antoinette pratiquait, sans le savoir, la politique du hors-sol.
La deuxième phrase indispose, met en colère ou révolte. Et ça se passe maintenant. Ça se passe même ici, chez nous.
L'État impose à toutes les collectivités de plus de 150.000 habitants d'appliquer la loi Climat et Résilience (2021). Cette mise en vigueur s'opérera le 1er avril 2025 et aura des répercussions pour des Biarrots. Afin d’être autorisés - ou pas ! - à circuler, les propriétaires de véhicules doivent s’équiper d’une vignette Crit’Air, correspondant à une catégorie plus au moins polluante.
Cette mesure «Z.F.E.» (Zone à Faibles Émissions), incroyablement inadaptée aux particularismes de notre agglomération, a eu la faveur d'être passée au vote - le 28 septembre 2024 - des conseillers communautaires à la Communauté d'Agglomération Pays Basque où siègent un certain nombre d’élus de la majorité biarrote. L'information n'étant pas disponible en ligne au public - pourquoi ? -, pour mieux vous informer nous avons contacté la CAPB et le Syndicat des Mobilités afin de connaître le vote de chaque élu biarrot. Aucune de ces deux structures n'a répondu..!
Pardonnez-nous pour le récapitulatif quelque peu rébarbatif qui va suivre, mais il est nécessaire à notre récit.
Les véhicules interdits sur les onze communes que sont Hendaye, Urrugne, Ciboure, Saint-Jean-de-Luz, Guéthary, Bidart, Biarritz, Anglet, Bayonne, Boucau et Tarnos seront :
- les voitures et camionnettes essence immatriculées avant le 1er janvier 1997
- les voitures et camionnettes diesel immatriculées avant le 1er janvier 2001
- les poids lourds immatriculés avant le 1er octobre 2006
-les deux roues motorisés immatriculés avant le 1er juin 2000
La mise en place de la ZFE s’accompagne de la possibilité d’octroyer des dérogations ; ainsi l'État a prévu que les véhicules d'intérêt général prioritaires (police, gendarmerie, secours, etc), les véhicules affichant une carte «mobilité inclusion» comportant la mention «stationnement pour les personnes handicapées», et les véhicules de transport en commun soient pris en compte dans les dérogations nationales.
Pour des raisons économiques évidentes et afin de ne pas trop nuire à l'activité de professionnels, la CAPB a d'ores et déjà initié des dérogations en leur direction : aux véhicules des producteurs et commerçants ambulants non sédentaires, aux véhicules utilitaires et camions affectés à la distribution des denrées en circuit court, et aux véhicules et engins de chantiers et de travaux publics.
Quant aux particuliers, seuls ceux qui suivent pourront, eux aussi, bénéficier de dérogations : les véhicules utilisés dans le cadre d’accès aux services médicaux par des personnes justifiant d’une affection de longue durée - afin de garantir l’accès aux soins -, et les véhicules dont le certificat d’immatriculation porte la mention «collection».
C'est une véritable catastrophe pour ceux qui ne peuvent faire autrement que de conserver leur véhicule ancien.
Il va de soi que la préoccupation de santé publique sur les habitants touche Sauvegarder Biarritz et que nous souhaitons prendre toute précaution qui tend à l'amélioration de celle-ci. Qui pourrait s’opposer à une meilleure qualité de l'air ? Pour autant, il ne faut pas céder à une idéologie qui serait sans ou peu de fondement sur notre territoire et qui aurait un caractère excluant et discriminatoire envers les citoyens.
La tentation - pour des élus en proie à de la légitimation populaire sur la question de l'écologie - peut être grande de mettre en place des mesures qui, de prime abord, ont un intérêt sur la santé.
Encore faut-il déterminer si le nombre de véhicules présents dans le parc automobile français nécessite ce type de mesures pour assainir l'air.
Encore faut-il déterminer si l'impact sur les ménages modestes sera de nature à leur interdire l'usage de leur véhicule.
L'écrivain français Alexandre Jardin a dénoncé, à juste titre, cette stigmatisation faite à ceux qu'il désigne comme «gueux». Le mot est juste : gueux. Comment des politiques, censés représenter tous les Français, ont-ils porté ainsi atteinte à une classe populaire qui n'a pas les moyens financiers de remplacer leur ancien véhicule ?
Aux «alternatives de mobilité» il est envisagé par la CAPB le recours au vélo, le covoiturage ou le transport en commun. À l'indigne exclusion de ceux trop démunis pour s'offrir un véhicule récent, s'ajoute un comique simulacre de substitution. Nous ne le répéterons jamais assez : le maillage du réseau de transport en commun Txik Txak ne permet toujours pas à tous les habitants du Pays Basque de se dispenser de voiture. Les améliorations pour offrir à tous un moyen de transport en commun sur notre territoire avancent, mais ne nous voilons pas la face, ce n'est pas demain la veille que nous pourrons tous bénéficier de ce service de manière égalitaire.
Quel mépris de classe ! Quelle honte de punir une catégorie de citoyens économiquement contraints de conserver leur véhicule ancien.
Lors des interventions en conseil municipal du 16 décembre 2024, plusieurs membres de l'opposition ont fait valoir leurs positions qui, malgré leurs divergences politiques, ont abouti peu ou prou à la même conclusion.
Pour Corine Martineau : «Bien que l'intention de réduire la pollution et de favoriser une mobilité plus durable soit louable, il est crucial de prendre en compte les conséquences de ces mesures sur la vie quotidienne de nos concitoyens. Et c’est une élue qui roule depuis plus de 10 ans en voiture et vélo électrique, ce qui ne doit pas être le cas de la majorité d’entre-vous, je suis donc très à l’aise avec ça. (…) Après avoir rendu les plages payantes, nous paupérisons toujours plus une partie de la population, encore une fois.
Les infrastructures de transport public doivent être suffisamment développées et accessibles pour compenser ces restrictions, elles le sont dans les grandes métropoles mais pas chez nous.
Il est important de s'interroger sur l'efficacité réelle de ces zones. La simple limitation d'accès à certaines zones ne suffira pas à résoudre les problèmes de pollution si des alternatives viables ne sont pas mises en place. Nous avons à Biarritz un aéroport au bord de la ville avec des avions qui déversent des particules de kérosène sur une partie de la cité, pensez-vous que ce soit bon pour les poumons ? Allons-nous retirer l’aéroport ? Nous avons une autoroute en bordure de ville où 12.000 camions par jour passent, qui génèrent une pollution bien plus énorme que les voitures en ville, quelles sont les alternatives ? Le fret ? Les portiques ? Les faire rouler à 30 km/h ? Rien n’est proposé, aucun politique ne s’en préoccupe. Que proposez-vous à ceux qui roulent en électrique ?
Nous avons une pollution régulière de l’océan sur notre littoral, avec une augmentation des problèmes ORL, vous êtes vice-présidente de l’assainissement, toujours autant de drapeaux violets, toujours autant de com' de Pavillon Bleu payée par le contribuable, mais aucune action efficace et pérenne. On fait quoi, on retire l’océan ? Ou vous ?» (…) Évidemment s’attaquer à des pollueurs beaucoup plus impactants touche à des lobbys qu’aucun n’a le courage de dénoncer et d’affronter.».
Guillaume Barucq alerte : «(...) ça touche 4 à 5 % des véhicules et, comme par hasard, les plus défavorisés qui n'ont pas forcément les moyens de se payer un véhicule neuf (...).».
Lysiann Brao, elle, relève que les mesures dérogatoires ne concernent pas les véhicules qui appartiennent aux associations, qu'elles soient sociales, sportives ou culturelles.
Elle a justement souligné «l'incohérence» de retirer un arrêt de bus dans le quartier populaire de Pétricot, alors même qu'il est notoire que bien des véhicules frappés par l'interdiction due à la ZFE s'y trouvent.
Madame Arosteguy a conclu ces interventions par les propos suivants : «On n'est pas hyper convaincu. Moi je le voterai du bout des lèvres parce que je partage les arguments que vous avez développés (...) Je laisserai chacun voter en son âme et conscience sur cette mesure. Pour ma part je voterai favorablement mais avec un niveau de conviction très très modéré (...) Le vote a eu lieu. Il a donné lieu à un vote libre.».
Mais de quoi est faite cette élue qui affirme publiquement, devant micro, être contre une mesure et qui vote en faveur de sa mise en vigueur ? Quel gage de sérieux peut-elle donner aux citoyens que nous sommes ? Être CONTRE et voter POUR : nous aurons vraiment tout vu lors de ce mandat !
Ce que l'on attend de ses élus - surtout locaux - c'est une adéquation entre les paroles et les actes : encore une fois, nous sommes déçus.
Il serait trop long de poursuivre ici une réflexion sur ce qui précède et les propos tenus par la maire lors de ce Conseil qui en disent long sur la liberté de vote de «ses» élus de la majorité.
Aussi, nous publierons un autre article que vous pourrez lire dans quelques jours.