HOMMAGE À LA BELLE ANTILLAISE
C'est original de trouver trace, à cette époque, à Biarritz, d'une femme dont la couleur de peau ne ressemble guère à celles qui l'entourent.
Comment, en des temps si anciens, une femme noire a-t-elle été amenée à se retrouver ici ?
Un Basque - voyageur cela va de soi - avait parcouru le monde pour trouver un meilleur sort que celui qui l'attendait au pays et avait fait fortune - encore un ! - aux Amériques.
Arrivé aux Antilles, il s'éprend d'une belle femme mais n'a qu'une envie : retrouver ses vertes collines. Qu'à cela ne tienne, l'amour ne pouvant les séparer, voilà le couple parti pour rejoindre notre côte biarrote. Hélas, le malheur allait mettre un terme à leur passion, notre Basque succombant presque aussitôt.
Son épouse se retrouve contrainte à travailler et reprend donc le commerce que son mari avait établi, tout en y créant une auberge-relais.
Mais c'est que l'Antillaise est douée et les voyageurs sont informés qu'un arrêt s'impose «chez la Négresse» de Biarritz qui cuisine telle une magicienne.
Les soldats du Premier Empire sont de merveilleux propagateurs de la nouvelle : «allez donc manger chez la négresse» !
Il se raconte que les voyageurs font même un détour pour déguster les plats concoctés par ses mains habiles.
Saisissant tout l'intérêt de profiter des nombreuses retombées de sa renommée, d'autres petits commerces s'installent tout autour. Le succès est là.
Il est intéressant qu'à la fois une femme et de surcroît noire soit mise à l'honneur depuis lors pour désigner ce quartier et que l'ancienne dénomination Harausta – signifiant «endroit poussiéreux» - ait été délaissée au profit de la belle aubergiste. Cela passe même par une délibération officielle du conseil municipal de Biarritz en 1861.
Si la connotation péjorative de négresse peut de nos jours surprendre des oreilles venues d'ailleurs, retenons que Léopold Sédar Senghor et Aimé Césaire avaient donné au terme de négritude une autre dimension et que la désignation de négresse, en ce quartier, n'a qu'une intention d'hommage et ne revêt nullement de vilaines arrières-pensées racistes chez les Biarrots qui l'utilisent.