ARRÊTE TON CINÉMA !
Silence, on tourne ! Enfin, c'est surtout nous qui tournons.
Les malheureux automobilistes qui ont eu la bonne idée de vouloir entrer dans le centre-ville de Biarritz, du 27 au 30 mai, se sont retrouvés pris au piège dans une cage de hamster, tournant et retournant, sans possibilité d'entrer dans leur ville.
Au lieu de s'être vu offrir des voies de déviations avec indications, l'automobiliste aura été abandonné devant des barrières empêchant l'accès à des artères centrales, face à des employés de la production faisant les plantons, incapables de dire quelle route alternative emprunter. Les observateurs ont pu d'ailleurs constater le peu d'amabilité de ces surveillants qui ont fait peu de cas des obligations de personnes devant obligatoirement passer par ces axes, pour raison professionnelle ou personnelle (accès à leurs garages).
Quant aux touristes perdus au volant de leur voiture, le GPS étant dévié, seul le hasard d'emprunter la bonne route leur a permis d'atteindre le cœur de ville. Les moins débrouillards auront bifurqué vers un ailleurs... Toujours est-il que le déplacement, à Biarritz, de ces braves gens, a viré en film d'aventures ou film à sketchs pour échapper à la vision d'une barrière avec un gardien-playmobil.
Les commerçants ont dû apprécier les effets d'une démarche qui consiste à ne pas laisser entrer toute une population pendant plusieurs jours d'affilée. Cela correspond certainement à une fine approche commerciale originale que notre bon sens ne comprend pas.
Cela ne s'était jamais vu, à Biarritz, de bloquer tant de voies d'accès simultanément pour une raison aussi futile que le tournage d'un énième film qui viendra s'empiler sur les plus de 300 films qui sortent par an en France. Les cinéphiles n'en peuvent plus de ces films bâclés et emballés à la va-vite, au jeu approximatif, à la photographie amateur, au scénario sans queue ni tête et aux dialogues de Oui-Oui. Le pays qui a inventé le cinématographe ne peut sombrer ainsi.
Cela vaut-il vraiment le dérangement pour les visiteurs du centre-ville, ses commerçants et des professions libérales, d'avoir des ennuis d'accès parce qu'une municipalité en a donné l'autorisation à un réalisateur ?
Cela est très gentil d'avoir un cœur de midinette, mais comme dans toute situation il faut aborder les pour et les contre d'une telle initiative et ne pas se montrer schpountz.
Cette «affaire» de cinoche rendrait-elle cinoque ? Cela répond encore une fois au goût et même à l'obsession de paillettes et de bling-bling de nos édiles biarrots qui n'ont plus que des étoiles dans les yeux.
Mais attention... tout ce qui brille n'est pas or, strass ne veut pas dire stars, et avec tout le respect que nous portons au réalisateur et aux acteurs, il n'est pas ici question du haut de l'affiche.
Ce film, qui hélas ne figurera probablement pas dans la catégorie «Meilleur Film» aux Oscars, est encore un titre à rajouter à la production cinématographique actuelle qui peine à produire des chefs-d'œuvre qui transcenderont les continents et les générations.
Il est loin le temps où l'on accueillait à Biarritz des tournages de films avec des acteurs tels que Jean-Paul Belmondo, Catherine Deneuve, Tyrone Power, Philippe Noiret, Romy Schneider, Roger Hanin, Patrick Dewaere, Anny Duperey, Jacques Dutronc, Catherine Frot, Audrey Tautou et Michel Serrault, pour n'en citer que quelques-uns... Des étoiles, nous sommes passés à la poussière d'étoiles.
Pour autant, le tournage de ces films n'entravait jadis pas la liberté de circulation des habitants ni celle des touristes. Nous méritons aussi le respect et nous ne sommes pas des marionnettes d'un parc d'attractions à agiter pour faire joli sur une carte postale.
Il est vrai que depuis que le festival «Nouvelles Vagues» et Penelope Cruz ont foulé le sol biarrot, la maire est entrée dans une ferveur filmique qui prête à sourire quand on sait que la France accueille des dizaines et des dizaines de festivals de cet acabit où une vedette du moment est conviée pour créer le buzz et laisser croire à l'internationalité de l'événement.
Pour que notre liberté de nous mouvoir soit rétablie, nous applaudissons au clap de fin avant le générique !