IMMIXTION DE NON-ÉLUS EN CONSEIL MUNICIPAL : ANNULATION EN PERSPECTIVE ?
Pour rappel : le projet immobilier de la municipalité sur le plateau d'Aguilera a donné lieu à un appel d'offres. Parmi les 15 postulants, trois candidats ont été retenus par la majorité de madame Arosteguy : Aldim (Robert Alday), Icade, Vinci. Le conseil municipal du 7 juillet dernier soumettait au vote des élus le choix du lauréat.
Les Biarrots ont assisté, en plein conseil municipal de ce 7 juillet dernier, à une opération marketing d'une ampleur jamais égalée jusqu'ici.
Apprenant sur place - la chose ayant été tenue bien secrète ! - que le candidat unilatéralement retenu par la maire de Biarritz prendrait la parole au sein du conseil municipal, Guillaume Barucq dénonce alors avec force cette pratique et dit qu'il est «extrêmement surpris du procédé. (...) Je ne sais même pas dans quelle mesure c'est légal de faire ça».
Corine Martineau est la deuxième à dégainer : «je ne comprends pas comment il (NDLR : Robert Alday) peut faire la présentation, alors que le projet n'a pas été voté. (…) Dans ce cas-là, il fallait inviter les trois candidats.».
Madame Arosteguy : «(...) Il nous paraît important, pour que vous puissiez avoir accès à un maximum d'informations, que vous puissiez interroger le candidat.».
Madame Martineau : «Pour avoir accès à un minimum d'informations, il aurait fallu qu'on ait les informations sur les trois. On n'a eu aucune information. C'est complètement obscur.».
Que les choses soient ici bien claires. Que le promoteur Alday cherche à faire valoir le riche travail effectué par ses équipes, rien de plus normal. Mais que la maire de Biarritz ait demandé au promoteur et à ses associés de venir déployer un argumentaire commercial au sein d'une mairie, qui ne doit pas être une tribune pour une société privée, pose véritablement problème. Et cela n'est pas de la responsabilité de monsieur Alday.
D'un caractère affirmé et sûr de lui-même, affichant une condescendance à apprendre aux élus de l'opposition ce qu'ils savent déjà et une forme d'arrogance envers les auditeurs en général, monsieur Alday n'a pas montré un visage que les Biarrots auraient aimé associer à ce projet immobilier.
Visiblement agacé - et on peut sincèrement le comprendre - de devoir s'adonner à un exercice de représentant de commerce peu en phase avec son statut de troisième fortune d'Aquitaine, le ton est rapidement donné alors qu'il salue la maire avec un grand sourire et le reste des élus avec une expression neutre.
Ils sont venus à cinq. Intéressant ce que le langage corporel nous apprend et ce qu'il exprime par l'attitude de personnes curieusement bien nerveuses pour une affaire convenue d'avance, déjà attribuée par la maire avant même que le vote démocratique s'opère.
En entame, monsieur Alday répond dare-dare à ce qui trotte dans la tête de tous ceux présents : «Des relations conviviales avec la maire ? Oui mais est-ce que cela suffit pour gagner un tel concours ? Allons-donc, monsieur Barucq. Allons donc». Allons donc, lecteur ! Êtes-vous convaincu ? Les imbrications de la petite province nous réservent parfois de grandes surprises.
Le promoteur cherche à justifier l'intérêt que l'autoritariste maire a eu de choisir sa «société réellement dans la région et surtout au Pays Basque dont je suis natif». Nous préférons rester sur notre réserve à ce sujet car l'expérience montre qu'il ne suffit pas d'être Basque ou de porter un patronyme basque pour que le respect aux locaux soit assuré. Nous en sommes quotidiennement les témoins désabusés.
Dans ce qui est affiché comme étant le nom de la future résidence - «Aguilera Herria» - nous assistons à la technique de plus en plus exploitée par ceux qui pensent qu'il suffit d'intégrer un mot basque à une promotion immobilière pour que le projet soit accepté par la population.
Monsieur Alday n'aura de cesse, durant toutes ses successives interventions, de tacler en permanence ses concurrents Icade et Vinci : «Mes concurrents ont proposé plus. Je démonterai ces propositions. J'affirme que je suis le plus disant.».
Il piétine à de multiples reprises sur le sujet : «Bien sûr certains diraient ce serait mieux Icade ou Vinci. Ce sont des sommités. Sauf que je n'ai pas peur de le dire : quand on signe une promesse de vente avec Icade ou Vinci, on sait quand on la signe, on ne sait pas quand ça se termine et on ne sait pas s'il n'y aura pas renégociation.».
On avoue être très mal à l'aise d'entendre des sociétés tout à fait respectables être dénigrées ainsi, sans qu'elles puissent répondre, égal à égal, face à leur concurrent. Sans qu'il y ait non plus de rappel à l'ordre de la maire, au nom du principe de loyauté, les accusés n'étant pas présents pour se défendre, ayant opportunément écartés de la séance. Ce mode inique imposé par madame Arosteguy de ne donner la parole qu'à un seul candidat, alors que le projet n'est pas encore validé par le conseil municipal, est extrêmement malvenu.
Faisant des pauses théâtrales, monsieur Alday martèle : «Sur ces 250 logements, j'affirme aujourd’hui, et nous développerons, qu'il y aura au moins 90% de résidences principales. Je le certifie.» Il dit qu'il va acquérir 40 logements pour les proposer en location à l'année.
Le père Noël ne s'appelle pas Robert Alday. Si ces bâtiments voient le jour, nous resterons particulièrement vigilants à ce sujet. Mais une fois que les carottes seront cuites et les bâtiments édifiés, qui ira reprocher à monsieur Alday de disposer comme il l'entend de ses biens ? La liberté de propriété protège chaque individu (Article 544 du Code civil), et c'est bien normal.
Monsieur Alday est toutefois conscient que son projet - ou plutôt le principe d'une construction de cette dimension - n'est pas vu d'un bon œil par une large fraction de la population biarrote et poursuit : «Il est certain qu'il y aura des recours. Ces recours on va les gérer.». Pour un début de travaux estimé par lui en juin ou septembre 2026, il est d'ores et déjà certain que pas un seul parpaing ne sera posé avant les Municipales et que ce projet fera l'objet d'un débat nourri pendant la campagne.
Comprenant notre époque, le promoteur met en avant une supposée «ambition environnementale», utilisant les formules qui font vendre telles : «sobriété carbone», «lutte contre l'îlot de chaleur urbain», «biodiversité», «performance énergétique», «géothermie», «voies de circulation douces» comprendre pistes cyclables, «revêtements perméables», «matériaux bio-sourcés ou bas-carbone». Le greenwashing est certes à la mode, mais il faut de l'audace pour parler «environnement» quand on vient ainsi bétonner la plaine Aguilera.
La sidération ayant fait place à l'indignation, à la suite de cette suspension de séance, tous les élus de l'opposition (sauf Jean-Baptiste Dussaussois-Larralde absent ce jour suite au décès de son père), ont dû tour à tour mettre à nouveau en doute la légitimité d'une telle intrusion programmée en plein conseil municipal de personnes non-élues.
Sébastien Carrère : «Comme mes collègues, j'ai trouvé que la séquence qui nous a été proposée, imposée, était totalement inappropriée dans le cadre d'un conseil municipal.».
Guillaume Barucq : «Je suis abasourdi par ce qu'il vient de se passer. Ce soir nous avons abîmé notre démocratie locale. Il s'agit du premier conseil municipal publicitaire de promotion immobilière. Du jamais vu ! Monsieur Alday et vos collègues (…) vous avez été conviés par des amateurs à ce conseil municipal parce que nous sommes encore en démocratie et avant le vote une personne extérieure au conseil municipal ne doit pas prendre la parole. (…) C'est tellement énorme, madame le maire, que je me demande si vous ne l'avez pas fait exprès parce que vous vous exposez directement à un recours en annulation de cette délibération, pure et simple. (…) Vous seriez venue en amont, avec les autres candidats, en commission générale pour qu'on puisse se faire un avis... Vous seriez venue, à la limite, après le vote, mais là, après l'argumentation de madame le maire et avant notre vote, quelque part entre guillemets vous avez corrompu notre opinion. (…) Par rapport à la procédure, moi je me suis senti pris en otage.».
Nathalie Motsch : «Je ne peux que reprendre les propos de Guillaume Barucq auquel je m'associe : un sentiment très désagréable d'avoir été pris en otage et d'avoir transformé ce conseil municipal en ce qu'il n'aurait pas dû être, et je le regrette.».
Brice Morin : «Comme mes collègues j'ai été assez surpris de cette suspension de séance.»
Pour vous récompenser d'avoir lu en entier notre récit, Sauvegarder Biarritz a un scoop à vous apprendre ! L'intervention d'un tiers, non-élu en conseil municipal, est bien illégal - SAUF si cela est inscrit au règlement intérieur de la ville de Biarritz - et c'est le Conseil d'Etat qui nous l'affirme.
S'il est tout à fait régulier, et même souhaitable, qu'un tiers ayant une compétence particulière puisse intervenir lors d'une commission générale pour informer, expliquer, préciser un dossier aux élus, le fait d'imposer en séance de conseil municipal ce même tiers n'est donc pas autorisé à Biarritz.
La jurisprudence nous indique que le juge administratif a accepté l’intervention d’une personne qualifiée pour informer le conseil municipal lorsque le règlement intérieur stipule que le maire peut demander «à toute personne qualifiée, même étrangère à l'administration, de donner des renseignements sur un ou plusieurs points faisant l'objet d'une délibération» (CE, 10 février 1995, n°147378).
Nous avons en notre possession le règlement intérieur de la ville de Biarritz, soumis au conseil municipal du 2 novembre 2020, et ce cas de figure n'a PAS été prévu par les rédacteurs de ce document. Ce règlement intérieur, rappelons-le, dont la rédaction a été modifiée par la majorité actuelle de madame Arosteguy.
Cette délibération serait-elle donc nulle et non avenue ? Attention, cela annulerait donc aussi la cession du terrain à la société Aldim de monsieur Robert Alday.
Encore une affaire à suivre à la loupe...