DÉNOMINATION «NÉGRESSE» : QUE DISENT LES ÉLUS D'OPPOSITION ? Partie 2/2
Après les opinions exprimées hier par les élus d'opposition Guillaume Barucq, Sébastien Carrère et Patrick Destizon, écoutons celles de Jean-Baptiste Dussaussois-Larralde et Corine Martineau.
JEAN-BAPTISTE DUSSAUSSOIS-LARRALDE
Le toujours pugnace élu Jean-Baptiste Dussaussois-Larralde n'a pas attendu longtemps pour décocher ses premières flèches en direction de la maire : «Tout ce qui nous est demandé de voter ce soir est la conséquence d'une énième mauvaise gestion de dossier. Tout démarre par un refus de trouver un accord avec une association qui a le droit de faire ce qu'elle est en train de faire.».
Il a très justement mis en avant l'incapacité de la maire à faire preuve de diplomatie, indispensable dans ce type de situation : «Avant que l'association ne dépose un recours auprès des instances compétentes, vous auriez pu trouver un accord avec elle. Par exemple, lui proposer des panneaux d'affichage qui expliquent l'histoire du nom du quartier et de la rue de la Négresse. Finalement, cinq ans et quelques milliers d'euros plus tard, vous avez convié les Biarrots pour une explication sur l'histoire du nom du quartier de la négresse.».
Puis de poursuivre en relevant des «incohérences» certaines, si ce n'est de la frousse quant aux conséquences personnelles que cela pourrait engendrer pour la maire : «Fin mars, vous aviez inscrit à l'ordre du jour du conseil municipal le retrait de la délibération du 1986 portant sur la dénomination de la rue de la négresse. Finalement, puisque vous faisiez appel de cette décision, vous aviez décidé de retirer cette délibération de l'ordre du jour. Logique.
Aujourd'hui la Cour d'appel s'est prononcée et vous avez décidé de vous pourvoir devant le conseil d'État pour exprimer votre désaccord avec cette décision. Cependant, vous inscrivez à l'ordre du jour cette délibération de 1986 sur la dénomination de la rue de la Négresse. De l'incohérence, à moins que ce ne soit de la stratégie pour pouvoir prétendre avoir défendu le nom de la rue, du quartier de son histoire tout en votant favorablement à la demande de l'association en retirant son nom.
Pourquoi ne pas suivre votre démarche initiale et attendre la réponse du Conseil d'État ?
Encore une fois, vous déviez et n'allez pas jusqu'au bout de votre démarche.».
Monsieur Dussaussois-Larralde évoque ainsi «À vouloir être partout, vous n'êtes nulle part. Finalement vous avez, à juste titre - je suis d'accord avec vous - défendu l'histoire des Biarrots et défendu nos intérêts, mais aujourd'hui vous lâchez tout. Sur le coup, on ne peut pas vous reprocher d'être franche. Lors de la conférence publique du 11 mars, vous disiez clairement que vous ne voudriez pas être dans la même situation que Robert Menard et frôler à un an des élections une inéligibilité. On va aussi essayer d'être raisonnable tout en montrant notre désaccord avec cette délibération. Fin de citation. Alors là, c'est tapis ! Vos intérêts personnels avant ceux des Biarrots. N’est-ce pas de courage que la maire doit se parer dans ce genre de situation ? Ici, vous amorcez la pompe d'un système que l'on n'arrêtera plus.».
Argument très pertinent qui montre que le jusqu'au-boutisme de la maire s'arrête là où son intérêt strictement personnel est mis en danger. Pseudo-convictions ? Les électeurs apprécieront.
Jean-Baptiste Dussaussois-Larralde s'engage sur un aspect qui n'a hélas pas été pris en considération par les Autorités municipales : «Pragmatiquement, avez-vous seulement pensé aux entreprises biarrotes ? Ces quinze entreprises, rue de la Négresse, qui s'opposeront à ce changement car vous leur demandez de changer leurs statuts, leurs coordonnées, d'en informer leurs fournisseurs, leurs sous-traitants et clients. Tout cela aura pour conséquence de déstabiliser l'activité de ces entreprises. Vous leur rajoutez des démarches supplémentaires dans un contexte réglementaire qui étouffe déjà les entreprises. Ensuite, les 177 entreprises faisant référence dans leurs statuts, dans leurs Kbis, à la Négresse, ou bien qui sont implantées dans la zone artisanale dite La Négresse, devront aussi changer de nom et porteront des recours dommageables pour tous. Enfin viendra le tour du carrefour de la Négresse à Biarritz de changer de nom, le square de la Négresse à Manosque et pourquoi pas certains lieux-dits du Lot-et-Garonne ? Ceci dit, vous créerez peut-être une jurisprudence Arosteguy. Je pense que cela devrait vous plaire.».
Avec la perspicacité que l'on lui connaît, l'élu fait valoir un angle technique aucunement évoqué par d'autres : «Et je ne vous ai pas encore parlé des bureaux de vote de la Négresse à Biarritz. Votre proposition de rue de l'Allégresse est évidemment tout droit sortie de votre vision pour Biarritz et j'ai hâte de vous voir avant les prochaines élections municipales demander à la Préfecture de changer les noms de bureaux de vote du quartier de la Négresse afin que les Biarrots aillent voter aux bureaux de vote l'Allegresse 1 et l'Allegresse 2. La Préfecture ne changera certainement pas le nom de ces bureaux de vote.».
«Et par un simulacre de démocratie et de consultation sur laquelle 1190 avis ont été exprimés que vous décidez de nommer la rue l'Allégresse. Bien sûr, vous allez me dire qu'il y a eu un vote. Mais pourquoi ne pas avoir proposé de garder le nom de la Négresse puisque c'est votre choix et celui que vous voulez défendre. On nous demande donc ici d'effacer l'histoire des Biarrots, de ne pas l'expliquer, de la laisser disparaître. Car même si les Biarrots l'appelleront toujours la rue et le quartier de la Négresse, malheureusement, sans écrit, dans quelques générations toutes traces de l'histoire du Quartier aura disparu après ce vote. Alors, faisons preuve de courage, de pédagogie évidemment, valorisons l'histoire de ce quartier ouvrier qui fut un champ de bataille et ne votons pas cette délibération qui, je le rappelle, n'est que temporaire.».
Monsieur Dussaussois-Larralde met ainsi en avant le principe d'un vote où le véritable choix aurait été de proposer l'appellation «Négresse», permettant ainsi de prendre le pouls de la population biarrote sur la perception de ce nom.
Corine Martineau
L'élue Martineau a directement posé le décor : «Il n’est nulle question d’humilier qui que ce soit, il est question de respecter une histoire devenue peut-être une légende ou une légende devenue notre histoire (…)» et qu'«Abolir l’histoire c’est effacer le passé (…)».
Puis elle a enchaîné : «Vous Madame le maire, en allant chercher une défense administrative essayant de prouver ou nier l’existence de cette femme, n’avez rien compris au symbole qu’elle représentait. Car c’est là qu’il fallait puiser, dans la défense de la symbolique de cette femme. Vous ne l’avez pas fait.».
Corine Martineau, en référence à cette femme noire : «Je rappelle que la devise de Biarritz, avant votre arrivée, était «Biarritz à bras ouverts», elle était le chemin même de cette femme de couleur et de condition modeste qui fut reconnue et pérennisée. Dès votre arrivée, vous avez balayé cette devise, comme tout ce que vous avez balayé.».
Elle poursuit ses attaques contre la maire de Biarritz : «Voyez-vous cette histoire était notre histoire, mais comment peut-on ressentir la ville et la défendre correctement quand on s’est acharné depuis 5 ans sur des symboles de notre cité, à diviser la ville et ses habitants. Le BO que vous avez endommagé par orgueil, ses hommes que vous humiliés au tribunal, la Villa Fal, la Villa Sion que vous avez bradées, le terrain de la chapelle impériale que vous avez brocanté, les associations que vous avez malmenées, les hommes et les femmes que vous avez expédiés aux prud’hommes.».
Sans relâche, elle continue dans sa diatribe : «Comment peut-on choisir une défense aussi nulle alors qu’il fallait défendre l’histoire, le symbole de cette femme et de tout ce qu'elle représentait, tout a été fait pour que ça échoue, encore une fois.»
En tant qu'habitante de ce quartier, madame Martineau explicite sa position : «Personnellement j’avais choisi un nom Basque car il me semble qu’il s’agit ici aussi de défendre une identité, mon choix ne se fait pas dans l’allégresse qui sera très vite oubliée dans les années qui viennent et qui ne représente rien, personnellement je préfère les racines, car c’est dans les racines qu’on puise la sève qui permet de croître, et c’est grâce aux racines qu’on se nourrit, c’est tout un symbole.
Mais comment pouvez-vous défendre les racines, l’histoire de notre ville, quand depuis 5 ans vous vous acharnez à les détruire. Au travers de cette défense et votre parcours depuis 5 ans, vous êtes devenue le symbole même de Biarritz à bras fermés.».
D'une ville au slogan si bienveillant de «Biarritz à bras ouverts», Corine Martineau déplore son passage à «Biarritz à bras fermés». Quand, chez Sauvegarder Biarritz, nous condamnons le passage en 2020 à une gouvernance paresseuse d'un «Biarritz à bras croisés».
L'affaire dite «de la Négresse» est un nouvel exemple de l'édifice Biarritz qui s'écroule, tant moralement qu'intellectuellement.
Nos futures générations jugeront les actes manqués d'une maire davantage empressée à s'assurer de sa petite réélection, qu'à remplir sa véritable mission républicaine : servir sa ville et ses habitants.