GLOIRE ET DÉCHÉANCE DE BIARRITZ : ET CHANEL DANS TOUT ÇA ?
Coco Chanel !
Il en a coulé de l'encre sur cette grande dame de la Mode. Pionnière et classique, effrontée et discrète, cette femme est à la fois tout et son contraire.
Son parcours exceptionnel - serait-ce encore possible aujourd'hui ? - passant de l'extrême d'une enfance très pauvre à l'opulence du Ritz, a fasciné plus d'un biographe.
Maniant, dès l'enfance, le fil et l'aiguille avec une dextérité et une originalité étonnantes, Gabrielle s'échappe de sa condition première. Mais pas encore grâce à la couture... Grande époque du café-concert, Gabrielle - désormais surnommée Coco - donne de la voix pour gagner sa croûte. Elle y fait des rencontres et commence à côtoyer une haute société à laquelle elle n'avait jamais eu accès jusqu'ici.
La suite nous la connaissons : enfilant ses conquêtes masculines comme des perles sur un collier, elle renoue avec son aiguille magique pour façonner dans un premier temps de drôles de chapeaux au style si novateur. Viennent ensuite les vestes, les jupes, les robes : une créatrice d'un genre nouveau est née.
En 1915, et après le succès rencontré rue Cambon à Paris et les deux saisons d'été à Deauville, l'envie d'aventure l'amène à Biarritz où elle ouvre boutique et même un atelier qui comptera jusqu'à cent petites mains, la plupart des Biarrotes. Car en pleine Première guerre mondiale, la vie mondaine bat son plein à Biarritz et les clientes fortunées ne manquent pas.
À Biarritz, Coco est encore le meilleur promoteur de sa Maison : silhouette longiligne, coupe garçonne et tenues sport. Les femmes s'étonnent de voir cette créature porter maillot de bain audacieux et arborer un teint hâlé à la côte des Basques ou à Miramar. Aux placards, parasols ! La mode de la peau brune est lancée : dorénavant, avoir la peau blanche n'est plus un marqueur social.
Le temps passe...
En 1939, la tournure des événements la conduit à fermer le magasin biarrot et l'atelier le jouxtant. Fin de l'histoire d'amour entre Coco et le Pays Basque.
La face sombre de Coco se dévoile lors de la Seconde Guerre mondiale où elle tente de profiter des lois antisémites du régime vichyste pour spolier la famille Wertheimer des droits de propriété de la célèbre fragrance Numéro 5. Peine perdue car les Wertheimer ont déjà passé leurs titres à un ami qui les leur restituera après-guerre.
Elle profite aussi de cette période trouble pour licencier les 4.000 ouvrières travaillant pour sa Maison, en représailles aux revendications salariales de ces dernières après les grèves de 1936.
Bien que l'hôtel Ritz soit réquisitionné par les Allemands et devenu le quartier général de la Luftwaffe, elle est la seule à se voir autorisée à conserver sa suite où elle vit à l'année... en compagnie du baron Hans Gunther von Dincklage, agent du renseignement allemand.
Cette période de collaboration avec l'ennemi lui permet donc de libérer ses pires instincts antisémites, théories qui, selon tous ceux qui l'ont côtoyée, ne la quitteront jamais.
C'est un secret de Polichinelle que la Maison Chanel a l'intention de ré-installer une succursale à Biarritz, en lieu et place de l'ancienne boutique - rue Gardères - à la Villa Larralde.
Nous avons quelque peine à croire, à l'heure du déclassement de notre ville par la maire Arosteguy, à l'heure où le commerce de très grand luxe est à la peine à Biarritz, que cette décision soit officielle. En effet, le nombre de nos visiteurs pourvus d'un pouvoir d'achat illimité a largement diminué, en même temps qu'un certain chic propre à Biarritz a dégringolé.
Sauvegarder Biarritz a reçu de nombreux témoignages de vieilles familles espagnoles, de personnes issues de la noblesse britannique et des grandes fortunes européennes qui avaient de discrètes habitudes à Biarritz et qui nous disent avoir renoncé à y venir à cause de l'effondrement général de notre cité balnéaire.
Si nous pouvons encore compter sur de beaux établissements hôteliers tels que le Palais, le Régina ou le Miramar, force est de constater que le commerce de grand luxe - baromètre s'il en est - a fortement décliné ces quelques dernières années, les clientèles américaine et russe s'étant, elles aussi, raréfiées.
D'une ville aussi élégante que ses visiteurs, nous sommés passés à une ville subissant un vilain sur-tourisme néfaste aux yeux des esthètes.
Désormais, plus de frontière vestimentaire ne s'opère entre l'espace de la plage et celui de la ville, conduisant à une dégradation visuelle et comportementale en centre-ville. La maire, pourtant toujours prompte à interdire, n'a pris aucune mesure pour tenter de maintenir en notre ville une apparence de raffinement.
Peut-on envisager que la Maison Chanel, qui symbolise ce qu'il y a de plus raffiné, se contente d'une ville aussi sale que la nôtre ? Sait-elle ce qui l'attend, dans quel enlaidissement urbain elle se fourvoie ? La toute proche Place Clemenceau est devenue le point central de la saleté.
Dans ce lieu historique pour la Maison Chanel se trouve désormais un environnement que personne ne pourrait qualifier de propice au Luxe ni à l'Excellence : conteneur à poubelles + son lot quotidien de cartons empilés, restaurant populaire, commerce de snacks, boutique souvenirs. Un curieux mélange des genres. Choisir sa petite robe noire aux relents de friture, c'est original mais pas le meilleur manifeste des codes Chanel.
La Maison Chanel, si attachée à tout ce qui se rapporte à la Culture et à l'Art, peut-elle vraiment s'implanter dans une ville qui a mis un terme aux expositions d'art, et dont les élus sont hermétiques à tout ce qui se rapporte au culturel ? Cela va à l'encontre de la philosophie et des valeurs promues par Chanel.
La réputation de cette Maison de Couture peut-elle s'offrir le risque d'un cuisant échec à Biarritz alors que le monde a ses yeux braqués sur elle ? L'emplacement biarrot que Chanel convoite n'a rien d'une avenue Montaigne, d'une via Condotti, d'un Rodeo Drive, d'une 5th Avenue ou d'une Regent Street. Ici, le prosaïque a pris le pas sur l'exquis : le réel a effacé le rêve.
Le festival du film «Nouvelles Vagues» - celui-là même à qui la maire verse la modique subvention de 350.000€ par an alors que, par ailleurs, elle radine pour les associations biarrotes - compte dans ses partenaires l'enseigne Chanel.
Un Biarrot, fort sympathique mais peu au fait du monde de la Mode, nous a affirmé avoir vu, dans le bulletin municipal, madame Arosteguy habillée en «Bordeau Chesnel»... alors qu'elle était affublée, pour l'occasion, en Chanel. Lapsus accidentel ou lapsus révélateur ? Ou comment un top-model se transforme en flop-model ?
Le génial Karl Lagerfeld nous a, un temps, fait la faveur d'habiter aux portes de Biarritz à la magnifique Villa Elhorria : l'on se rappelle tous de son shooting photo sur le promenoir de la Grande-Plage où paradaient des mannequins aux codes couleur black and white, toutes affublées de planches de surf logotées des deux C entrelacés. Ça, c'était avant !
Il n'est pas rare que des personnes qui ont connu le Biarritz d'il y a dix ans se remémorent une ville dynamique, propre et ouverte sur le monde et ses cultures.
Une ville qui avait toutes les qualités d'une grande, tout en conservant les avantages d'une petite.
Ce temps est révolu. Avec beaucoup de travail, d'engagement et une politique volontariste, notre ville peut renaître tel un phénix.
En attendant cette renaissance, nous ne pouvons qu'alerter les responsables de la Maison Chanel que leur image de marque mérite mieux, beaucoup mieux que la vitrine que peut actuellement leur offrir la Ville de Biarritz.