LA VILLE EN FÊTE ET EN DÉLIRE
Halloween est fêtée à Biarritz depuis de nombreuses années. Bien avant que le phénomène du déguisement s'empare de l'Hexagone, Biarritz a vu défiler dans ses rues sorcières, monstres, zombies et vampires.
Halloween ne remporte pas forcément les suffrages auprès de tous sous des arguments plus ou moins justifiés : univers trop anglo-saxon, peu convenable superposition avec la Toussaint, spectacle gore, irrespect des morts, tout y passe.
Retenons plutôt la joie que cela procure à nos petits qui transforment le centre-ville de Biarritz, pendant quelques jours, en cour de récréation géante. Après la tournée des commerces où diablotines et diablotins exigent «un bonbon ou un sort», une visite s'impose au jardin public qui en l'espace de trois jours se voit être le centre de l'univers pour nos turbulents petits anges.
De gré ou de force, voilà maintenant toute la famille qui se pare de toutes sortes d'accessoires : toile d'araignée, hache ensanglantée, chapeau pointu, mains coupées, combinaison de squelette, crânes apeurés et effrayantes chauve-souris !
De quoi faire pâlir d'envie la famille Addams qui tout d'un coup semble bien sage.
Ne pouvant résister à aller frotter nos squelettes à celui des autres Biarrots, nous voilà partis pour une visite nocturne. Après une difficile montée de l'avenue Foch où le trottoir semble s'être tout à coup mystérieusement rétréci sous l'assaut des bambins endiablés, nous y voilà !
Ne nous permettant pas d'oublier que nous sommes à Biarritz, de laides et hautes grilles métalliques accueillent les visiteurs : c'est dommage de n'avoir pas utilisé ces supports pour y intégrer une décoration halloweenesque.
L'esprit de la fête nous envahit aussitôt la montée de la côte : qui peut résister à cette joie exprimée par tous ?
Les événements tous publics entièrement gratuits se font rares sur la côte : foire au jambon à Bayonne, spectacle pyromélodique à Anglet, meeting de la patrouille de France à Saint-Jean-de-Luz, la fête du gâteau basque à Cambo, la fête du piment à Espelette, le feu d'artifice du 15 août à Biarritz. La foule s'y presse et le succès y est toujours assuré même par mauvais temps.
Même les fêtes de Bayonne - qui se déroulent dans un esprit populaire s'il en est - sont devenues payantes ! Qui aurait pu l'imaginer il y a encore dix ans ?
C'est aussi la clé du succès du Halloween biarrot : la gratuité. A méditer. L'on pourrait s'en inspirer pour élargir l'offre culturelle de qualité pour tous. La gratuité n'est pas forcément un gage de qualité mais souvent un gage de succès populaire.
Réjouissons-nous donc de la réussite de Halloween à Biarritz alors que les vacances de la Toussaint sont un moment de forte affluence en notre ville. Ça occupe locaux et touristes, tant mieux.
Organiser, c'est prévoir. C'est d'autant plus facile de prévoir quand on a l'exemple des éditions passées qui permettent de mesurer les flux, de noter l'intérêt du public pour telle attraction, de rectifier : en somme de toujours s'améliorer.
C'est dans ces conditions que nous avons été surpris de nous retrouver dans des allées du jardin transformés en goulots d'étranglement par la densité humaine.
Familles disloquées, enfants en bas-âge apeurés tassés au sol, poussettes piégées, personnes âgées bousculées, personnes handicapées terrifiées, animaux de compagnie piétinés, tout ce petit monde se retrouvant sans possibilité de respirer normalement : le tout sur un sol abîmé, percé et nullement éclairé.
Nous avons vu une personne prise de malaise panique et une autre victime d'évanouissement dans cette foule comprimée, sans possibilité de l'en extraire pour lui venir en aide. Ce n'est qu'au bout de 25 minutes qu'elle a pu retrouver un peu d'espace vital pour se récupérer.
Connaissant la topographie du lieu, cela nous est apparu curieux, même avec du monde, d'être à ce point «emportés par la foule qui nous traîne, nous entraîne, écrasés l'un contre l'autre».
Nous voilà repartis dans l'autre sens pour mener l'enquête - que ne ferions-nous pour nos lecteurs ? - : pourquoi cette année constate-t-on une telle difficulté à sortir du jardin public ?
Et là, l'invraisemblable s'impose à nous. Certaines issues ont été condamnées. Fermées, cadenassées : nous sommes piégés.
Un périmètre grillagé a certainement été mis en place pour protéger, la nuit, les installations. Nous comprenons bien que de mauvais esprits pourraient s'y introduire et endommager le matériel mais de la même façon que ces grilles sont retirées en quelques points d'entrée, pour parer à cette foule, la sécurité nous oblige à compter sur le plus grand nombre possible d'issues. Car que se serait-il passé dans le cas d'une attaque malveillante ? Où sont donc passés le «principe de précaution» et la «prévention des risques» ? Peut-on vraiment jouer avec la sécurité d'innocents venus passer un bon moment ?
Sortis cabossés par la bousculade, anxieux de ces mouvements de foule, inquiets du manque de présence visible d'agents de sécurité, notre peur à davantage été suscitée par cette énumération qui précède que par la vision des fantômes suspendus aux arbres : la folle farandole ne nous a guère fait rire.