DE L'ATELIER AU MUSÉE
Nous avions, dans une précédente publication, évoqué l'invraisemblable refus de la maire de Biarritz Arosteguy et de son adjointe à la Culture Anne Pinatel du don d'une œuvre de Louis Derbré (1925-2011) par sa fille, Mireille Derbré-Darré.
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"L'Océan" de Louis Derbré |
Cette œuvre a, depuis lors, trouvé place sur le parvis de l'Espace de l'Océan à Anglet où - autres lieux, autres mœurs - le conseil municipal a voté à l'unanimité l'acceptation du don. Aux lecteurs : une visite s'impose pour les amateurs d'art et de beau.
Ce rejet d'une œuvre d'art, par la majorité municipale, allait annoncer une suite incompréhensible d'erreurs, de lacunes, de mauvaises appréciations et, in fine, une activité culturelle en berne depuis 2020 alors même que Biarritz se situait jusque-là en figure de proue sur la côte basque.
L'agenda culturel de Biarritz n'est aujourd'hui assuré que par le secteur privé ou des associations qui animent de longue date des festivals tels Le Temps d'Aimer, Les Beaux Jours, ou encore le festival Biarritz Amérique Latine.
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Louis Derbré |
Pendant des décennies, Louis Derbré, son épouse Antoinette et leur fille Mireille, séjournent à Biarritz aux grandes vacances. Cet attachement familial est tel, qu'aujourd'hui Mireille et son mari résident en notre ville. Mireille, devenue peintre-aquarelliste à son tour, y a installé son atelier où elle donne libre cours à son expression artistique.
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Mireille Derbré-Darré, à Deauville, devant l’œuvre de son père "Le Prophète". |
Mais revenons à l'hommage que nous souhaitons rendre à un artiste de qualité, de surcroît amoureux de Biarritz.
Si son environnement familial le destinait au labeur de la terre, Derbré s'émancipe et quitte l'exploitation familiale pour un travail dans une maison d'édition. Cet espace de conception, où se croisent tant d'artistes, le stimule à créer et sa première œuvre est récompensée par le prix Fénéon en 1951 qui lui est remis, tel que le veut la tradition, à la Sorbonne. Cette bourse qui lui est attribuée, indispensable à l'installation d'un atelier, lui met le pied à l'étrier pour aménager son premier espace de travail à Paris.
Très rapidement, Louis Derbré est repéré par des galeries prestigieuses (dont Artcurial qui lui sera toujours fidèle) qui lui confient des expositions, tant en France que sur d'autres continents. L'envol de l'artiste est pris et ses sculptures ne cesseront de voyager toujours plus loin, pour porter toujours plus haut la création française.
L'intemporel Louis Derbré est ainsi présent dans de nombreuses villes au travers de sculptures monumentales.
Après Paris et Arcueil, le prolixe maître a dorénavant son atelier à Ernée en Mayenne.
Depuis sa disparition et par le biais du Fonds de Dotation Louis Derbré, le combat de sa fille Mireille est constant pour diffuser l'art de son père en France et à l'étranger, répondant ainsi parfaitement à la volonté de l'artiste d'amener l'art dans la ville pour tous.
Tout son parcours artistique en démontre la démarche, presque politique, de susciter l'émotion chez le contemplateur en allant le chercher là où il se trouve : dans la rue.
Quel bonheur donc pour nous de vous annoncer l'ouverture du musée-promenade Louis Derbré au Château de Conon (XIIIème siècle) à Cellettes (à 15 minutes de Blois).
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Inauguration du Musée-Promenade Louis Derbré |
Propriétaires du Château de Conon depuis 2018, François-Noël et Catherine Desfemmes entreprennent la courageuse tâche de le rénover pour lui faire retrouver ses couleurs d'antan. Mais ces merveilleux mécènes ne s'arrêtent pas là. Collectionneurs puis amis de l'artiste Louis Derbré, ils décident d'offrir le cadre de leur parc arboré de 5 hectares aux œuvres de l'atelier Derbré. Du projet à la réalisation, pas moins de trois ans auront été nécessaires pour sa matérialisation.
Pas moins de 150 œuvres, dont près de 50 monumentales, sont ainsi présentées au public et font l'objet d'un parcours découverte.
Le couple Desfemmes a aussi intégré, comme au MOMA ou au Musée du Louvre-Lens, la muséothérapie ou le «caring museum» qui vise à apporter du bien-être à un public fragile.
Si nous applaudissons des deux mains cette fantastique initiative entreprise par Mireille et les collectionneurs-mécènes, nous regrettons qu'une telle réalisation ne soit pas à célébrer en terre basque et, osons le dire, en terre biarrote.
En d'autres circonstances et en présence d'autres acteurs de la municipalité, le parc de la villa Fal aurait pu servir d'écrin aux œuvres de Louis Derbré. Une synergie entre la création d'hier, celle d'aujourd'hui et de demain, au travers d'une Maison d'Artistes d'envergure, avec ateliers et résidences d'artistes, aurait pu voir le jour. Mais il est vrai que la villa Fal restera de ce mandat municipal le symbole des occasions ratées et d'une faillite intellectuelle d'élus incapables de créer la ville du futur, préférant répondre aux sirènes d'un petit gain immédiat.
Le rôle d'une ville comme la nôtre est sans doute, avant tout, d'être à l'avant-garde de propositions culturelles. Encore un rendez-vous manqué à ajouter à la longue liste...
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"Le Guetteur", œuvre monumentale installée à Deauville. |