SERRES DE LA MILADY : POT DE TERRE Vs POT DE FER ?
Il faut espérer que l'indivision Gélos ait la carne dure et les nerfs solides.
En effet, alors qu'elle s'apprêtait à céder enfin ce que les Biarrots connaissent sous la désignation des «Serres de la Milady», la maire de Biarritz fit valoir, pour la deuxième fois en l'espace de trois ans, son droit de priorité, empêchant de la sorte toute vente à des particuliers.
Ces Serres horticoles furent créées en 1857 par la famille Gélos. Cette activité née sous le Second Empire perdura pendant plusieurs générations, sans que sa notoriété soit démentie.
Après la disparition de Christian Gélos en 2013, le site restera sans projet précis jusqu'à ce qu'en 2006 il abrite une pépinière de dix-huit ateliers de peintres, sculpteurs ou céramistes.
Mais en 2021, à l'expiration de son bail, l’Association des Artistes de la Milady (AAM) - locataire des lieux - refuse tout bonnement de rendre les clés à ses propriétaires qui composent l'indivision Gélos.
Bien que sommée de quitter le site par décision de justice, l'association traînera des pieds et il faudra le recours à la force publique pour obtenir son éviction.
Finalement, grâce à l'entremise d'un huissier et après une année de bataille durant laquelle les locataires auront occupé la place sans droits ni titre, la famille Gélos récupère les clés en janvier 2022.
Entre-temps, l'année précédente, l'indivision Gelos avait trouvé preneur pour le terrain sur lequel se trouvent les serres. Cet acquéreur avait pour projet de réaliser des logements en coliving pour de jeunes actifs, étudiants, ou saisonniers.
Mais le permis de construire qu'il a déposé lui sera refusé par la mairie biarrote. De surcroît, quelques semaines plus tard, au printemps 2021, la maire Arosteguy fera valoir ses droits de priorité à la famille Gélos et mettra un veto à cette vente. L'édile dit envisager, avec la participation de la Communauté d’Agglomération, de créer le centre de biomimétisme marin «Ocean Start» initialement imaginé dans la zone de la Cité de l'Océan, par son prédécesseur Michel Veunac, en fin de mandat. Face à une levée de boucliers lors des précédentes municipales, notamment car cela venait transformer sur l'avenue de la Milady une zone naturelle en zone constructible, le projet avait tourné court.
Pour justifier sa décision de mettre la main sur les Serres de la Milady, la maire précise alors qu'elle ne veut pas d'une nouvelle résidence hôtelière touristique dans le quartier, pointant du doigt celle de Robert Alday un peu plus haut, et celle du constructeur Mindurry en face du camping de l'ancien rugbyman Dimitri Yachvili.
Cependant il est à relever que les intentions de l'acheteur, décrites par la famille Gélos, semblent tout autres.
Puis la mairie de Biarritz fera volte-face, renonçant finalement aux terrains Gélos et leur préférant ceux du quartier Barroilhet, à l'entrée d'Izarbel, pour installer Ocean Start.
L'indivision héritière du lieu peut donc souffler et reprendre son bâton de pèlerin pour que le terrain, en friches depuis trop longtemps, suscite un intérêt et puisse héberger un projet qui bénéficierait aux Biarrots, ce qui n'est pas chose aisée eu égard aux nombreuses contraintes d'urbanisme.
Avec un aval désormais obtenu de la mairie, elle croit enfin être arrivée au but et près de voir ses serres prochainement converties en un espace mêlant coliving et activités médico-sociales, auxquels s'ajoute une crèche.
Mais, patatras ! La technopole fait part de besoins liés à son extension, et convoite à son tour l'espace de Barroilhet prévu pour accueillir Ocean Start. Considérée prioritaire, elle coiffe au poteau la maire de Biarritz qui se voit contrainte de revenir sur les Serres de la Milady pour les préempter. Autre revirement, la mairie de Biarritz s'oppose à nouveau à leur vente par les propriétaires indivis.
De quoi contrarier la famille Gélos ! D'autant qu'elle découvrira vite le bouquet : le prix offert !
Loin de le voir aligné sur celui accepté par l'acheteur initial, il est fixé par la Communauté d’Agglomération à 3,5 millions d’euros. Cette somme peut paraître importante, mais rappelons-nous qu'il est question de deux hectares viabilisés et en majeure partie constructibles, dans un quartier convoité, à quelques enjambées de l'océan. Ce prix équivaut en réalité à 180 euros du mètre et sera donc refusé par la famille Gélos qui se voit, de fait, repartie pour une nouvelle bataille judiciaire.
Le projet Ocean Start de l'ancien maire prévoyait une enveloppe de 12 à 15 millions d'euros.
Quant à la maire actuelle, qui dit ne pas être en mesure de communiquer de chiffre, elle assure que 70% du coût de l'opération - en plus de l'Agglo qui s'est déjà réservée un bout de terrain pour une extension de la station d'épuration - sera pris en charge par l'Europe et la Région.
Reste que c'est toujours l'argent du contribuable qui financera ce projet dont la priorité n'est pas évidente et le retour sur investissement loin d'être garanti.