MANANTS DE BIARROTS PAYEZ POUR LE ROYAL !

Au Moyen Âge, seuls les plus pauvres devaient s'acquitter de nombreux impôts dont le produit était destiné aux seigneurs. Six-cents ans plus tard, nous pourrions penser cette époque révolue... Eh bien, pas tout à fait.

À Biarritz, nos élus de la majorité se veulent progressistes, déterminés à rompre avec de prétendus «mauvaises habitudes de leurs prédécesseurs», empreints d'éthique - le mot préféré de la maire qui assure s'interdire tout favoritisme, ni accorder de passe-droits.

Nous vous l'accordons, le discours est beau mais c'est comme pour les promesses, cela n'engage que ceux qui l'écoutent. Car rien dans la manière dont se passent les choses dans notre ville ne vient accréditer ces bons sentiments. Et certainement pas le dossier du cinéma Le Royal.

Jugez plutôt : en mai 2021, au moment de la reprise du cinéma emblématique biarrot créé par Armando Guido, nous avons d'abord assisté au choix, par la mairie, du candidat repreneur Étoile Cinémas, le «moins disant» des trois prétendants et à la réputation égratignée sur la place, accusé, qu'il était, d'avoir laissé des ardoises là où il était passé. Mais chacun son sens du discernement !

Ainsi, l'heureux lauréat s'est vu confié en septembre 2021 la gestion du cinéma par la Ville, au travers d'un bail emphytéotique d'une durée de 40 ans (!), prévoyant un loyer mensuel de 100 euros (!) pendant huit ans, à la condition de financer des travaux sur le site de l'ordre de presque deux millions d'euros, comprenant une rénovation du hall d’accueil avec une surface agrandie, mais aussi une meilleure acoustique et un nouveau système de chauffage-climatisation des salles dans lesquelles des places handicapés seraient ajoutées, un ascenseur et un café sur le toit-terrasse.

[Il est à rappeler que pendant la mandature du précédent maire Michel Veunac, Le Royal avait déjà fait l’objet d’importantes rénovations entre 2015 et 2020, tels le remplacement des fauteuils, des moquettes, du système de projection et une amélioration des sanitaires et du hall d’accueil.]

Mais lors du conseil municipal du 3 avril 2023, l'élu d'opposition Patrick Destizon s'étonne que les travaux n'ont toujours pas démarré !

Et l'a-priori défavorable développé avec force par les élus de l'opposition au moment du choix de ce candidat sera vite confirmé puisque ce dernier fera finalement part de son incapacité à lancer les travaux promis, nonobstant un permis délivré fin 2022.

Face à la rupture des engagements de l'exploitant, la municipalité aurait dû résilier le bail et lancer un nouvel appel d'offres pour garder la maîtrise du choix et des conditions de la cession.

Mais lors du conseil municipal de Biarritz du vendredi 24 novembre 2023, elle l'a au contraire autorisé à ce qu'il vende directement (!) toutes ses parts à un groupe de quatre actionnaires prêts à lui succéder, composé de trois sociétés parisiennes et d'une société biarrote - cette dernière ayant participé à l'appel d'offres en 2021 et s'étant vue écartée par la majorité car taxée «d'amateurisme» par cette dernière (sic).

Une décision jugée tout à fait anormale par les élus de l'opposition qui conduira sept d'entre eux à engager un recours gracieux le 19 janvier 2024 pour «défaut d’information concernant notamment les détails de la transaction passée entre l'ancien et les nouveaux repreneurs» et de préciser que «l’exploitant défaillant a eu droit à un loyer extrêmement avantageux, de l’ordre de 100 euros par mois pendant deux ans, parce qu’il devait financer les travaux. À ce prix, avec 80.000 entrées par an, sans respecter ses engagements, c’est cadeau ! Et maintenant, après avoir bénéficié de telles conditions, il est autorisé à vendre ses parts dont la seule valeur réside dans le bail emphytéotique accordé par la Ville». En outre, ils dénoncent une violation des règles d'attribution des marchés, caractérisée par l'absence d'un nouvel appel à projets ; selon eux, cela constitue un «délit de favoritisme». Un courrier a également été adressé au sous-préfet auquel il est demandé de vérifier la validité de la décision prise lors du conseil municipal du 24 novembre.

Ce recours demeurant en cours, les travaux seront néanmoins engagés sur le site, ce qui comportait un risque selon l'élu d'opposition Patrick Destizon.

Certes la situation urgeait car un festival, baptisé Nouvelles Vagues, a vu le jour à Biarritz et entendait pouvoir jouir du tout nouveau cinéma Le Royal. Il est utile de préciser que l'un du quatuor d'actionnaires du cinéma Le Royal est aussi le trésorier de ce festival qui bénéficie d'une subvention de 350.000 euros de la Ville de Biarritz.

Mieux encore, lors du conseil municipal du 8 avril dernier, la majorité municipale a approuvé une hypothèque des murs du cinéma pour l'emprunt de 900.000 euros contracté par la société Cinéma Le Royal Biarritz.

De quoi ulcérer les élus d'opposition. Sébastien Carrère estime à juste raison que les sociétés qui ont racheté Le Royal avaient l’envergure financière suffisante - à quatre, elles cumulent 40 millions d'euros de chiffre d'affaires - pour nantir leur prêt, sans passer par une hypothèque garantie par les murs appartenant à la ville, «un cadeau supplémentaire», selon lui.

En bref, nous avons un emphytéote qui s'est révélé défaillant, ne respectant aucune des conditions prévues, et auquel la Ville a néanmoins abandonner le droit de céder lui-même ses parts à un groupe de repreneurs pour une exploitation du cinéma sur une durée de 40 ans, sans que l'on en connaisse les conditions financières et en se portant garante du prêt contracté.

Après ce long feuilleton, le cinéma devrait ouvrir ses portes début juin !

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