INIQUITÉ ET ÉTHIQUE EN TOC

Après un long, très long sevrage d'expositions à Biarritz, si l'on fait l'exclusion des locaux Kardesch et Zigor - ce dernier ayant été présenté deux fois d'affilée -, le Biarrot pouvait espérer au Bellevue un événement culturel d'envergure, avec à l'affiche l'oeuvre de tel artiste de renom ou la présentation de telle école ou de tel mouvement artistiques.

Mais l'ambition de la Ville de Biarritz qu'illustre sa programmation à venir se limite à un artiste, local encore, dont on a pu régulièrement voir le travail lors d'accrochages temporaires - tels chez une agence immobilière de la place Bellevue ou plus fréquemment chez un opticien de la rue Mazagran. Notre propos n'est pas ici de porter atteinte à l'artiste en question, mais le Biarrot ne peut-il prétendre à une offre culturelle élargie afin d'améliorer son champ de connaissances de l'art et ainsi affûter son propre goût ? N'est-ce pas le devoir d'une Ville de mettre à portée de tous une diversité artistique - en particulier à la jeune génération dont la personnalité est en construction -, de nous permettre d'accéder aussi bien aux grands maîtres de la peinture et de la sculpture des siècles précédents, qu'aux nouvelles formes d'expressions, y compris au travers d'installations d'artistes ? Car tout le monde n'a ni les moyens financiers ni physiques de se transporter dans une ville riche en musées ou à l'agenda culturel dynamique. Doit-on pour autant être privé de cette promesse d'évasion que sont les expositions, aussi sources d'émotions ?

Il est courant que soient comparées Deauville et Biarritz auxquelles l'on reconnaît un lien de parenté, deux villes à l'histoire similaire par leurs activités balnéaires respectives et ayant connu les mêmes vicissitudes. La première compte environ 3.500 habitants à l'année, chiffre quasiment multiplié par dix l'été ; quant à notre cité impériale, elle en compte environ 26.000 l'hiver et cinq fois plus l'été. Mais à l'inverse des Biarrots, les Deauvillais ne sont pas pour autant laissés pour compte en période creuse et jouissent d'expositions variées, toujours de très bon niveau, ainsi que l'atteste la consultation des expositions passées. Encore prochainement, trois programmations de qualité sont proposées à Deauville : alors, ne sommes-nous pas les parents pauvres ?

Programmation culturelle de Deauville

[Petite parenthèse intéressante à propos de Deauville : cette ville détient deux sculptures monumentales de Louis Derbré ; souvenons-nous que Madame Arosteguy et sa majorité ont refusé le don d'une oeuvre par la fille de l'artiste, et que notre voisine Anglet l'a, elle, accueillie à l'unanimité de son conseil municipal, avant de l'installer face à l'Espace de l'Océan. Sans commentaire !]

"L'Océan" du sculpteur Louis Derbré

Reste que l'artiste qui profitera d'une exposition dédiée à la fin du mois est vivant - tant mieux pour lui - et qu'il fait naturellement commerce de ses toiles. Or cette situation n'obéit pas aux règles de conduite et «d'éthique» prônées par Madame Arosteguy. En effet, lors d'une intervention en Conseil municipal à propos d'un auteur qui, invité par les deux précédentes mandatures, aurait usurpé l'usage de l'Espace Bellevue quelques heures chaque année pour présenter au public son dernier cru en lien avec l'histoire ou le patrimoine biarrot, et ayant de la sorte, selon elle, coûté cher à la Ville et bénéficié de largesses, d'autant que des livres étaient disponibles à la vente sur le site ajoutait-elle, Madame Arosteguy avait expliqué, en substance, que la Ville ne pouvait être le sponsor d'une «entreprise» privée (1).

Auditorium du Bellevue

Parmi un public toujours nombreux et enthousiaste, elle s'était pourtant compromise par sa présence répétée à chaque présentation - dont l'entrée était gratuite et publique - de la nouvelle édition. Les expositions Zigor et Kardesch sont déjà venues prendre en défaut la maire et la mettre en contradiction avec son propre exposé, tous deux vivant de la vente de leur art. Là, tout d'un coup, plus du tout d'états d'âme la maire de Biarritz ! L'opposition l'avait pourtant mise en garde, l'assurant qu'elle veillerait désormais à ce qu'il n'y ait plus de deux poids deux mesures. Alors comment la maire compte-t-elle facturer à l'exposant cette «rétrospective inédite» du 30 mars au 12 mai, ces 44 jours durant lesquels l'artiste - joignable via son site Internet et son compte Instagram - se fera sans doute le conseiller du visiteur pour l'achat de ses œuvres ?

À coups de plus de 6.000 euros pour quelques heures d'occupation d'une partie de la Rotonde que facture Biarritz Tourisme, nous n'osons imaginer la douloureuse pour cet artiste qui occupera vraisemblablement de nombreuses cimaises pendant plus d'un mois, sans compter le coût de l'installation, du gardiennage et peut-être même d'un catalogue de l'exposition. À vos calculettes !

Non, ne nous dites pas que c'est la mairie qui va payer ? Ce n'est pas possible ! Ce qu'elle conteste à ses prédécesseurs, s'arroge-t-elle le droit de le faire au milluple ? Car la maire a dit «avec moi, plus de passe-droits», «plus de privautés» - oui, ça c'est parce qu'elle a un souci avec la langue française. Espérons alors qu'elle révise le sens du mot «éthique», celui d'«honnêteté» et aussi de «moralité», elle en sortira grandie.

(1) «Nous avons donc arrêté la politique de favoritisme (…) Nous avons donc décidé, de façon tout à fait transparente et équitable, de ne plus utiliser de l’argent public pour payer des événements privés

L'élu d'opposition Guillaume Barucq avait répliqué : «Mais ce qu’il faut éviter dans une ville, c’est de prendre des décisions à la tête du client. Le même traitement doit s’appliquer à tout le monde et il faut y veiller

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